Un long sommeil

Tout d’abord, la conscience d’une certaine effervescence, un peu plus haut.
Ensuite, l’odeur du vieux bois vint chatouiller les narines d’Isamu, reprenant progressivement l’usage de ses sens après sa sieste diurne.
*La vie du clan la Griffe Funeste… Toujours aussi animée.* songea t’il en silence.

Puis, le rituel n’eut pas lieu.
Des dizaines de jours durant, le vampire soulevait avec difficulté le lourd couvercle de son cercueil d’ébène. Il s’époussetait ensuite machinalement pour balayer poussière et copeaux de bois.
Il gravissait les quelques marches d’un sombre escalier en colimaçon, puis actionnait le mécanisme permettant d’ouvrir la porte dérobée menant à l’un des couloirs du temple du clan.

Cette fois-ci, rien de tout cela.
Isamu resta silencieux, seul avec ses pensées. Ces dernières tournaient naturellement autour de la Griffe Funeste, de ses compagnons d’armes qui avaient choisi de rejoindre le clan et de constituer cette famille.
Il songea ensuite aux Terres Argentées, aux forces qui l’animaient, à la sempiternelle bataille opposant l’ombre et la lumière.
Il était habité par l’étrange sensation d’être dorénavant extérieur à ce grand ensemble qui faisait évoluer ce monde. L’esprit d’Isamu était à la fois en proie à une prise de recul et à un détachement… comme un papillon qui, une fois son éclosion achevée, observait avec curiosité la chrysalide qu’il avait habitée des mois durant.

A présent, la tentation de se laisser aller au long sommeil de vampire, et de rejoindre sa dulcinée Morrigan dans d’autres mondes était forte.
Mais avant cela, il songea à ses compagnons d’aventure… et l’émotion vint étreindre.
Il devait se lever et transmettre le message qu’il quittait le clan, qu’il entamait un long sommeil, seulement entrecoupé de brèves sorties nocturnes pour assouvir sa soif de sang d’assassins.

Alors, après que la nuit fut bien avancée, que l’éclat des étoiles dans le ciel des Terres Argentées commençait à s’estomper en laissant place à l’aurore naissante, Isamu usa les marches de pierre peut-être une dernière fois, puis se dirigea vers la cuisine, qui ne tarderait pas à être animée…