GGRAHH !!

GGRAHH !!
Un souffle embrasé du dragon, tenu par une main ferme, sectionna net le bras de la victime à hauteur d’épaule. Le membre chût lourdement sur le sol, accompagné tout d’abord par des rasades de sang, puis ensuite par le corps massif d’un barbare exterminateur.

Les hautes terres de Boudok, au petit matin, offraient à sa faune sauvage une atmosphère chargée d’humidité. Les montagnes entouraient le chasseur et sa proie, en haut desquelles le vampire apercevait avec précision les neiges éternelles. Il les imaginait balayées sans répit par un impitoyable vent glacial, puis réchauffées doucement à mesure de leur progression vers les plaines, emmenées lentement par un quelconque glacier. Isamu visualisa ensuite le parcours chaotique de la glace devenu eau pure et cristalline, parcourant avec vitesse et légèreté les flancs de sa montagne, pour se jeter dans le premier lac en caressant les oreilles des êtres environnant.

Dans ce décor, Isamu se rapprocha d’un bosquet, et s’assit sur une vieille souche ridée.
Il guettait.
Un craquement ? Une ombre ? Une odeur musquée ? Un barbare approchait... L’objectif se formait : une hache tombant dans un cliquetis métallique, fantasme éphémère synonyme de richesse. Le combat s’engagea, âpre, le barbare vendit chèrement sa peau, assénant deux rudes coups de haches, avant de manger l’herbe fraîche à son tour.
Epuisé, Isamu se pencha pour ramasser l’arme et… plongea dans un océan noir comme la caverne d’un dragon. Dans une léthargie cotonneuse, une quinzaine de potions remirent notre ami d’aplomb. Devant lui se tenait une guerrière ayant plus de deux fois son âge, couverte des pieds à la tête d’un équipement d’un blanc aussi éclatant que les neiges éternelles qui tutoyaient les étoiles, non loin de là… Grâce à un rapide sondage de l’inconnue, Isamu su qu’elle se nommait fullmetal.
Ses mots furent condescendants, chargés d’une pitié hypocrite devenue l’arme favorite des assassins de ce monde, à défaut d’honneur ou gloire. Isamu répondit en substance :
« On ne me plaint jamais… je ne suis pas une victime. Et la roue tourne... »

Visiblement peu encline à poursuivre la conversation, la meurtrière tourna les talons et disparu. Laissant seul le chasseur des étoiles… tout seul ou presque. Si l’on peut considérer que la lune et ses nuages, que les ombres fantomatiques jouant avec le sol, que les perles de rosée sont des compagnons, alors Isamu était bien entouré. Mais…
Les dents serrées, un sanglot fut étouffé. Une larme de sang perla, doucement, sembla disparaître, puis coula brusquement le long de la joue droite, mourrant enfin dans la commissure des lèvres.
Le parfum capiteux de sa tueuse faisait ressurgir d’anciens souvenirs. En ces temps, ses compagnons étaient une longue chevelure, un sourire espiègle et un rire réparateur. Morrigan la succube, endormie à jamais… partie avec la promesse des nuits infinies de complicité et de partage.

Sans prévenir, de la silhouette immobile s’éleva avec violence un rugissement qui n’avait rien d’humain.
GgrrrraaAAhhAAAAAAHHHHHHHHHHHH !!!!!!!

Les montagnes rendirent écho.
Et... à nouveau, les mains saisirent leurs deux amies, lames fidèles et tranchantes. A nouveau, l’être blessé devint une simple bête tuant pour vivre et faire vivre les siens. Coup après coup, il enfouissait sa souffrance chaque fois un peu plus loin dans son sein, tentait en vain de refermer une cicatrice qui avait ses origines dans les profondeurs de la chair.

Et quand enfin les premières lueurs du jour sonneraient la fin du rituel, Isamu baisserait les armes. Il rejoindrait sa tribu, et parlerait de futilités avec ses amis, sourirait comme si l’innocence était retrouvée, dans l’ivresse de chopes tintant et la chaleur du feu familial.
Il vivrait, comme un cri jeté à la face des Terres Argentées.