La Griffe Funeste
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 Promenade au clair de lune

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AuteurMessage
Isamu
Vampire Poussiéreux
Isamu


Nombre de messages : 576
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Date d'inscription : 27/05/2006

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MessageSujet: Promenade au clair de lune   Promenade au clair de lune Icon_minitimeJeu 1 Juin - 0:32

RRrrrr… Psffff… RRrrooo… PPcchhiiii…
Dans le calme de la chambre du fort du clan de l’Ordre, Isamu dormait à poings fermés.
Tout le monde semblait l’imiter, seul le feu dans la cheminée s’animait comme un diable, en silence… ou presque.

La porte du fort s’ouvrit, une ombre furtive se glissa dans la chaleur de ce foyer et se dirigea droit vers le chef du clan.
Regard de braise, démarche féline, longue chevelure d’un blanc pur, Morrigan avait ensorcelé Isamu quelques mois déjà. Elle se pencha vers le lit, ses cheveux caressèrent la couverture et son visage vint frôler la joue apparente de son fiancé.

« Isamu. »
Rien.
« Isamu ? Isamu !! »
Ce fut seulement la secousse accompagnant l’appel de la jeune succube qui fit émerger Isamu des limbes oniriques.
« Quoi ? Qu’y a-t-il ?
… Ah…. C’est toi, mais quelle heure est-il ? »
Regard embrumé et voix pâteuse, Isamu était bien loin de l’image fière et vaillante qu’il voulait conserver en toute circonstance.
Quelques secondes passèrent, et d’aucuns auraient pu constater que notre ami recouvrait ses esprits. Sourire :
« Mmm, ça va toi ? Viens là, tiens, approche… »
« Non ! Non, non, non… Je ne suis pas là pour ça… Regarde par la fenêtre. »
Perplexe, et aussi un peu contrarié, il se dressa dans son lit, jetant un regard vers l’extérieur. Rien…
« Quoi, il fait nuit c’est tout ! Tu me réveilles à cette heure pour regarder un paysage aussi noir que du charbon ? »

Entre temps, Morrigan s’était approchée de la fenêtre :
« Viens voir ici, tu comprendras. »
Isamu s’exécuta.
« Eh bien… Qu’y a-t-il, je ne vois rien d’anormal… »
« Si. Regarde la lune, et comme le paysage semble magique à cet instant ! »
Kedok était baigné dans une douce clarté. L’arbre qui trônait au milieu de la cour du labyrinthe, les murs de vieille pierre, la pelouse ; tout était étrangement pâle. Vision surréaliste, tranquillité dérangeante…
Isamu reprit :
« Oui, c’est vrai que c’est… beau ? Etrange ? Je ne sais pas trop ? Et alors ? »
« Viens dehors avec moi, chasser le taureau ailé par ce temps, c’est fantastique. Et… je veux partager ces instants avec toi. Je suis souvent seule lors de mes expéditions nocturnes, c’est triste. »
Pris par les sentiments, Isamu hésita un peu moins d’une seconde :
« Bon, on y va. »

Quelques minutes plus tard, épées du phoenix et haches brillaient dans la blanche et sombre clarté.
Isamu était à l’aise dans le rôle du spectateur. Tandis qu’une fraiche brise lui rappelait que le soleil avait disparu depuis plusieurs heures, sa promise se jetait comme une lionne au cou du prochain taureau. La comparaison n’est pas anodine, car sa grâce naturelle n’était assurément pas humaine…
Isamu s’approcha du lieu pour observer le coup fatal qui jettera à terre la puissante bête. Cette dernière, allongée par terre, agonisait. Avant que son dernier souffle l’emporte vers d’autres mondes, Morrigan se coucha sur le poitrail du bovidé ailé, approcha son visage du cou… et planta brutalement ses crocs effilés dans la chair de l’animal, puisant le sang encore chaud à grandes goulées. La raison avait fait place à un instinct viscéral, bestial, absolument primaire.
Silencieux, interdit, Isamu était comme un lecteur découvrant avec étonnement qu’il venait de sauter plusieurs pages de son livre préféré.
Il dû se remettre vite de son mutisme cependant, car sa douce se relevait déjà.
Le sang décorant la lame de son épée rimait avec le mince filet qui parcourait le menton de cette reine de la nuit. Le guerrier compris alors que l’élue de son cœur vivait des émotions qui lui seraient à jamais inaccessibles, elle parcourait les nuits en sautant d’une proie à une autre, aspirant les vies avec pour seuls témoins nuages et étoiles.
Tout à la fois ému et fasciné, Isamu s’approcha… sa main s’avança vers le visage aux contours réguliers, caressa la joue droite et descendit vers les lèvres ensanglantées. Ses doigts jouèrent un instant avec la pointe des mortelles canines, puis essuya le menton du sang qui commençait à sécher.
Respiration haletante, tous ses sens étaient en éveil. Il s’approcha encore. Son regard se leva alors… et s’abîma dans les yeux de la chasseresse. Froid polaire ? Chaleur d’un feu incandescent ? Les deux sans doute, accompagnés d’une profondeur vertigineuse… Envoûtant.
Dans un souffle, Isamu se donna alors :
« Vas-y. »

Dans un mouvement souple et implacable, les mâchoires puissantes se refermèrent autour de l’artère d’Isamu, geste déjà mille fois effectué.
Tout d’abord, la piqûre vive des canines traversant la peau puis la veine de la vie. Ensuite…
Une chute sans fin, toute notion de pesanteur disparue, le cœur battait à tout rompre, le flux du sang s’intensifia et toute l’attention se porta sur ces gouttes qui quittaient son corps, un bourdonnement emplit les oreilles… Dans une sensation paradoxalement exquise, Isamu n’était plus que ce sang qui le quittait, ses forces le quittaient, dans une confiance aveugle en sa compagne.

Puis ce fut la fin, ou presque. Morrigan ota ses crocs et lâcha sa proie sur le sol, qui tomba comme une poupée inanimée.
Dans un geste éclair, elle porta son poignet à sa bouche et y ouvrit une plaie béante. Elle se pencha alors sur son fiancé, aux portes de la mort, et lui offrit à son tour la divine boisson. Quelques gorgées plus tard, le corps flasque était redressé et empoignait le bras de la succube, aspirant de toutes ses forces. Il se releva soudain, et y planta pour la première fois ses dents déjà transformées. Il sentait le cœur de sa victime battre, il sentait la vie s’écouler en lui, dans un tourbillon infini de saveurs, d’odeurs et autres indicibles sensations.
Dans un effort immense, Morrigan mis fin à ce moment de partage.

Isamu sembla ouvrir les yeux pour la première fois. Il leva la tête : les étoiles étaient-elles plus nombreuses ? Interrogateur, il regarda sa compagne. Elle aussi était différente. La finesse de son grain de peau, la subtile différence de coloris entre ses deux yeux, le trouble qui faisait légèrement trembler son visage… tous ces détails lui étaient à présent accessibles.
Le vent faisant doucement balancer les feuilles les unes contre les autres. La respiration d’un monstre caché de l’autre côté du mur…
Enivré de telles nouvelles sensations, Isamu s’allongea sur le sol. Il esquissa un sourire.
Morrigan le rejoint, se lovant dans ses bras. Et leur sourire se mua en rire.
Ils rirent ainsi des moments passés ensembles, et du futur qu’ils partageraient ensemble.
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