La Griffe Funeste
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 Vie en vrac, Sage

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Tikal
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Tikal


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MessageSujet: Vie en vrac, Sage   Vie en vrac, Sage Icon_minitimeDim 18 Juin - 4:55

[HRP : A la demande expresse d'Isamu, je me permets de poster ici le RP que j'avais mis sur le forum de SW. Et je précise à toute fins utiles que je n'étais sous l'emprise d'aucune substance en écrivant ces textes... )

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

[Introduction (HRP)
Parce que la vie est comme ça, que les moments dramatiques succèdent sans préavis aux épisodes plus heureux, seront ici réunis des textes courts, tantôt légers, tantôt plus sérieux, qui résumeront et illustreront la vie du héros.
Cette incohérence apparente vous étonnera peut-être, voire vous choquera ou vous déplaiera. Mais, après tout, ainsi va la vie ! ^^]

Haïku
(Texte tiré d'un recueil de poème des combattants-philosophes de l'Ancien temps)

Nos vies sont des fleurs
Les jours, fuyants, leurs pétales
Tous dissemblables

La pluie battait sans relâche les épais carreaux de verre de la petite fenêtre en bois. Sage, dos à celle-ci, pouvait sentir la fraîcheur apportée par l’orage effleurer son cou luisant de sueur. L’été touchait maintenant à sa fin, et le jeune aventurier espérait juste qu’il n’en serait pas de même pour sa vie…

Ce n’est qu’au bout de plusieurs interminables minutes que l’individu qui faisait face à Sage consentit à lever les yeux du parchemin qu’il étudiait avec minutie depuis un long moment. Parfaitement immobile, le buste légèrement penché en avant, les bras croisés et posés sur l’imposant bureau de chêne qui le séparait de Sage, l’être observait maintenant ce dernier d’un regard accusateur.

Manifestement peu enclin à mettre fin à la tension qui les entourait, il mis encore plusieurs minutes avant de daigner faire entendre sa voix nasillarde de gobelin.

- Bien, bien, bien… Je vois que vos petits problèmes ne semblent pas aller en s’arrangeant…

De plus en plus mal à l’aise, ne sachant trop quoi répondre, Sage préféra se taire.

- Vous savez, repris le gobelin, heureusement que vous êtes un client fidèle de cet établissement. On en a fait faire emprisonner ou torturer pour moins que ça…

Ne pouvant ignorer la menace dissimulée dans cette remarque faussement magnanime, Sage se força à défendre sa situation.

- C’est que j’ai récemment été dans l’obligation de changer d’activité professionnelle… Or, j’ai beau activement chercher à m’associer, personne ne semble être assez motivé ou courageux pour accepter de me rejoindre…

- Ah ! Voilà qui est très intéressant ! Et bien ! Je suis extrêmement curieux de savoir quelle nouvelle « activité » peut expliquer un découvert de… 88 695 pièces d’or le mois dernier !

- Et bien, je… heu… Chasse les assassins…

- Vous les « chassez » ?... Vous voulez dire : pour le sport ?...

Sage encaissa sans ciller la flèche cynique décochée par le ridicule petit être qui lui faisait face. Malgré sa position incomfortable, il sentait qu’il pouvait quand même avoir le dessus et ne se démonta pas.

- Non, non ! Je me bat pour la Justice et l’Honneur mais surtout pour que règne à jamais la paix entre les peup…

- Ca va, ça va, le coupa le gobelin. Je vois le genre…… Bref, tout ce que vous me racontez est très beau et très… heu… stimulant, mais, voyez-vous, nous sommes un établissement bancaire, pas une œuvre de charité…

- Je le sais bien, continua Sage. Mais vous savez, l’équipement, les potions, tout ça : c’est pas donné ! Enfin, bref, j’ai justement apporté ça pour vous !

* Chong-gling*

- Tout juste ramassé sur un cadavre d’assassin !

Tout en ramenant vers lui du bout de sa plume la bourse en cuir que Sage avait jeté sur le bureau, le gobelin ne quitta pas l’aventurier du regard.

- Et combien il y a là-dedans ? demanda-t-il sur un ton des plus désagréable.

- Pour être tout à fait honnête, pas assez pour couvrir ma dette en totalité... Mais je vous promets que je n’achèterai aucun équipement ce mois-ci !

A la vue de l’or, le gobelin sembla se radoucir.

- Hum… Voyez-vous Monsieur Sam, je ne peut qu’être en désaccord avec tout ce que vous venez de me raconter, même si je reconnais que cette recrudescence des assassinats est préoccupante… Néanmoins, je vais consentir à vous accorder une petite mesure de faveur… Pour ce mois-ci…

Même s’il tenta de le dissimuler, Sage sentit le soulagement l’envahir.

- Par contre, repris le gobelin, si le problème n’est pas réglé d’ici le mois prochain, je me verrai dans l’obligation de transmettre votre dossier au Service de Persuasion et de Recouvrement des Oublis des Clients Hésitants…

Malgré son soulagement, Sage frissonna à la seule mention du redoutable SPROCH, baptisé ainsi en référence au son que produisaient les bénéficiaires de ce service au moment où leur cas était traité.

- C’est noté, Monsieur…

- Bien, bien…

Tout en empochant la bourse, l’être reconduisit Sage vers la sortie.

- Je vous souhaite une bonne fin de journée, Monsieur Sam. Et n’oubliez pas…

Une fois à l’air libre, Sage respira profondément, humant les senteurs exhumées par le passage de l’orage. Là, seul mais libre, il ne put s’empêcher de sourire.

Il était heureux. Tout simplement.

Chère Inconnue,

Le froid et la brume avaient cerné la ville ce matin-là, vous rappelez-vous ? L’atmosphère était lourde et pesante, l’air encore vicié des odeurs de la nuit et le pavé luisant et poisseux.
Comme je l’ai pensé sur le moment, c’était une matinée comme les apprécient généralement les assassins, le brouillard masquant pudiquement de son manteau opaque leurs ignobles agissements …

Lorsque je vous ai aperçue, ce sont mes réflexes de guerrier qui se sont d’abord exprimés. Sur le moment, j’ai eu dans l’idée de vous frapper. Je l’avoue…Et c’est pourquoi j’ai levé la main lorsque nos regards se sont croisés…

Ce simple geste… Comme je le regrette aujourd’hui… Qu’avez-vous donc pensé de moi à cet instant ?

En réalité, votre attitude, l’équipement que vous arboriez, tout dans votre personne respirait l’expérience fréquente du combat. C’est pour cette raison que j’ai d’abords cru que vous étiez un assassin, comme toutes les autres…

Mais j’ai retenu mon geste… Sans réellement savoir pourquoi…

Depuis que j’ai connu la Révélation, ma vie n’est que prise de risques, violence, combats. Aussi, par une étrange perversion de mon esprit, tout ce qui présente un danger m’attire désormais au plus haut point. Comme si mon être se nourrissait désormais de ce danger ; qu’il en avait besoin pour survivre… Etrange sensation….

Et vous étiez là… Belle… Seule... Comme une de ces fleurs indigènes qui arborent mille couleurs sur leurs pétales flamboyants, avertissant ainsi les êtres avisés de leur mortelle passion ; et que l’ont ne peux pourtant s’empêcher de vouloir cueillir…

Comment pourrais-je aujourd’hui décrire les sentiments qui m’assaillirent lorsque je découvris quels étaient réellement vos desseins ?
Les mots ne peuvent suffire. J’en fus transporté au-delà de ce qu’il est possible d’imaginer… Mon cœur, mon esprit, mon âme, n’en sont toujours pas revenus aujourd’hui…

Vous aussi vous pourchassiez les assassins ce matin-là… Sans le savoir, nous étions liés par un même objectif, une même raison d’être ! Nous étions un !

J’en demeurais bouche bée, transis. Paralysé. Et vous avez filé…
Cette lettre, jamais donc vous ne la lirez… Et, en réalité, elle ne vous est même pas destinée…

J’ai cousu une poche à l’intérieur de mon plastron, juste à l’emplacement du cœur. C’est là que je glisserai ce parchemin une fois que l’encre sera sèche. De cette façon, les mots sans écho qui couvrent ces pages pourront imprégner ma peau et se diffuser en moi comme un poison... Lentement… Douloureusement…

Jamais je n’oublierai ces quelques secondes. Jamais je ne me pardonnerai…

Adieu ma belle, ma chance, mon espoir.

Décidemment, pour moi, l’Enfer porte un seul nom.

Hésitation.


Signé : Sage

- Tu es plutôt courageux…

Sage sursauta. Il n’avait pas entendu arriver l’homme qui s’était adressé à lui tout en lui posant une main sur l’épaule. Le chef du RALA (hrp : mon ancien clan, avant la Griffe...) avait bien réalisé un spectaculaire volte-face tout en tirant son sabre au clair, mais maintenant que les deux hommes se trouvaient face à face, il se sentait légèrement pris au dépourvu. D’autant plus que son sabre s’était miraculeusement retrouvé dans la main de l’inconnu...

Ce dernier arborait quant à lui une expression satisfaite.

- Je t’ai vu te battre contre ces deux assassins, tout à l’heure dit-il d’une voix calme tout en rendant son sabre à Sage. C’était honorable…

Passé le choc du premier contact, Sage se détendit un peu, même si l’attitude de l’homme ne le rassurait qu’à moitié.

- Peu de gens osent de nos jour se battre contre les égorgeurs et les coupe-jarrets, poursuivit celui-ci sur le même ton. C’est une initiative qui mérite que l’on s’intéresse à celui qui en est à l’origine.

- Et bien, peu de gens semble penser comme vous, répondit Sage tout en desserrant légèrement l’étreinte rassurante qu’il pouvait à nouveau exercer sur la poignée de son arme. Cela me paraît même relativement suspect… Visiblement très sur de lui, l’homme élargit encore plus son sourire.

- Réfléchis, Sage... Si j’avais voulu te tuer, je l’aurai fait lorsque tu étais de dos, vulnérable ! Allez, viens au lieu de jouer les incompris, il faut que l’on cause toi et moi…

Une demi-heure plus tard, les deux hommes s’attablèrent dans le coin sombre d’une auberge surpeuplée, là où ils ne pourraient pas être vus. Les vociférations des supporters de hache au prisonnier qui s’étaient réunis pour fêter l’écrasante victoire de leur équipe (5 morts à 17) couvraient quant à elles de façon quasi-parfaite leur conversation. Là, quasiment coupés du reste du monde, ils purent s’entretenir en paix.

C’est l’homme, lequel n’avait toujours pas dit son nom à Sage, qui prit la parole sitôt les deux boissons commandées. Il parlait en regardant souvent derrière lui, comme si ce qu’il disait ne devait pour rien au monde être entendu…

- As-tu déjà entendu parler des « Riskbreakers », Sage ?

- Non, répondit celui-ci. Jamais.

- Ah…

- … … … … Et ?...

- Hein ? Ah ! Oui…. Hum… Les Riskbreakers sont… des guerriers de l’Ancien Temps. Des combattants-philosophes, en vérité, poètes à leurs heures perdues.

L’homme-qui-n’avait-pas-dit-son-nom vida d’un trait son verre d’alcool de Blob avant de poursuivre.

- Ils constituaient une caste d’élite qui n’étaient employée que pour aller là où personnes d’autre ne pouvait ou ne voulait aller et y accomplir les missions les plus dangereuses.

- Du type ?

- Infiltration d’organisations criminelles ou de territoires ennemis, enquêtes sur des phénomènes inexpliqués, assassinat de personnalités, ce genre de choses…

Captivé par les propos de l’homme, Sage l’encouragea du regard à poursuivre son récit.

- Leur mode opératoire était toujours le même : agir en solitaire, copier ses ennemis et ne jamais hésiter à recourir la violence, quelques soient ses formes.

- Ils étaient nombreux ?

- Non. Seuls des soldats d’une trempe et d’une force morale hors du commun peuvent prétendre accomplir ce genre de mission sans y laisser quelque chose… Que cela soit sa vie, ses idées… ou sa santé mentale…

Ménageant ses effets, l’homme commanda un second verre au tavernier d’un geste explicite avant de poursuivre.

- Ces soldats devaient être physiquement et mentalement forts mais aussi courageux et intelligent. Ils ne devaient éprouver aucun scrupule tout en continuant à profondément croire à ce qu’ils défendaient. Ils devaient aussi accepter de se plier à certaines lignes de conduites strictes qui tranchaient de façon radicale avec leur liberté d’action et leur impunité quasi-totale. Enfin, et surtout, ils devaient être capables de résister à l’appel des forces obscures…

- Ces combattants… Il en existe encore ?

- Pas réellement… La plupart ont été massacrés il y de cela bien longtemps. Leur force dérangeait et effrayait les puissants de ce monde. Mais quelques-uns ont survécu. Ensemble, ils ont fondés un mouvement secret qui enseigne et perpétue depuis lors les enseignements des combattants-philosophes…

Le silence se fit lorsque le tavernier apporta le verre que l’homme lui avait commandé et demeura présent encore un instant, malgré le départ du tenancier.

- … … Vous en faites partie, n’est-ce pas ?

- Oui… Tu as deviné… Et je souhaite aujourd’hui te transmettre ce que je sais. Le monde a besoin de gens comme toi, des gens qui osent mettre leur vie en cause pour se battre et se lever contre toutes les formes d’autoritarisme ou d’oppression. De gens libres.

- Je ne sais pas… Je ne me sens pas… Enfin…

- Je ne veux pas te forcer. La décision ne peut venir que de toi. Si tu souhaites me suivre, si tu trouves que là est la juste voie, rejoins moi au barrage de l’eau d’heure, ce soir, au coucher du soleil. Je serai sur la plage…

Sans ajouter un mot de plus, l’homme laissa cinq pièces d’or sur table et quitta l’établissement.
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MessageSujet: Re: Vie en vrac, Sage   Vie en vrac, Sage Icon_minitimeDim 18 Juin - 4:56

Trois mois plus tard, l’entraînement de Sage était achevé. L’homme-qui-n’avait-toujours-pas-dit-son-nom avait décidé qu’il en était ainsi, même si Sage se sentait encore hésitant.

Ce soir-là, ils s’étaient tous les deux retrouvés sur la plage du barrage de l’eau d’heure au coucher du soleil afin d’échanger quelques ultimes paroles et de se dire adieu. Ce fut également pour l’Homme l’occasion de livrer à son élève ses ultimes conseils.

- Et surtout, n’oublie pas, Sage : tes ennemis sont partout. Tu dois te méfier de tout, et de tout le monde, et notamment de ceux dont tu penserais ne rien avoir à craindre…

- Mais les assass…

- Les assassins ne sont pas la seule menace qui pèse sur ce monde, Sage ! Quand le comprendras-tu ? Ils constituent peut-être la marque la plus visible et la plus évidente de la lente dégénérescence de nos contrées, mais tu dois bien voir que ce n’est là que la partie visible d’une plante dont les racines sont beaucoup plus longues et profondes que ne le laisse paraître sa tige…

- Je vois…

- Durant ton périple, il te faudra également te méfier des profiteurs, des jaloux, des calculateurs et des aigris. Des mercenaires, qui changent de camps et d’alliés aussi rapidement que tourne le vent ; des idéologues qui ne sont attirés que par la soif de pouvoir et la reconnaissance ; ou même des vieux politiciens aigris et réactionnaires du Parlement, la plupart étant en réalité de dangereux nostalgiques avides de retrouver leur force et leur gloire passée…

Le visage tourné vers la mer, l’Homme-qui-n’était-vraiment-pas-décidé-à-révéler-son-nom avait dit cela d’un ton qui semblait chargé de souvenirs amers. Malgré le vent marin qui faisait tournoyer en tous sens les cheveux de son maître, Sage pu distinguer une unique larme couler le long de la joue de celui-ci…

- Sage, rappelle-toi que les gens, même les plus respectables, sont prêts à faire ou à dire les pires choses lorsqu’ils se sentent menacés... Même toi tu n’es pas à l’abri….

- Vous voulez dire… Que je devrai ne pas me faire confiance ? Vous y allez peut-être un peu fort, non ? Dans ce cas, on ne fait plus rien….

- Méfiance ne signifie pas passivité ou repliement sur soi-même, mon jeune ami. Pour prendre une image, c’est comme lorsque tu mises quelques pièces d’or sur un combat de pseudo-dragons : tu sais que tu cours un risque de perdre ton argent. Mais tu sais également que le gain éventuel dépasse de beaucoup ce risque. Et c’est cela qui te pousse à quand même miser cet argent, en toute connaissances de cause…

- Je vois…

- Sage, j’ai entendu parler d’une jeune fille qui est, paraît-il, de grande valeur. Va la voir, elle pourra sûrement t’aider. Son nom est Inochi. Elle appartient au Clan de l’Ordre de la Griffe funeste.

- Bien, maître. J’irai… Mais… Et Phormeus ? Et le RALA ?

- Sage… N’as-tu toujours pas compris qui était réellement Phormeus ?... Tu as quand même la tête dure. Ce très gentil médecin que l’on a été voir ensemble a pourtant été on ne peut plus clair…

- Humpf… Ouais, maintenant que vous le dites… Hum… Bon… … Ca va…

- Bien… Quant au RALA, il faut parfois savoir accepter les changements auxquels on ne peut résister, même si cela est difficile. Le jeune Makkel est en âge de se débrouiller seul, désormais. La solitude doit aussi faire partie de son apprentissage…

Sans prévenir, l’Homme-dont-on-ne-saura-finalement-pas-le-nom prit Sage par les épaules. Se tenant bien face à lui, il ajouta :

- C’est là que nos chemins se séparent, jeune ami. Je te souhaite bonne route, et bon courage. Ne t’éloigne jamais du juste chemin et, le jour venu, pense à transmettre ce que tu auras appris. C’est important.

- Oui, maître.

- Adieu, Sage. Et n’oublie pas : Doutes et ambitions ; Amitiés et trahisons ; Seule compte la raison.

Tandis que son maître s’éloignait à grands pas, Sage se tourna vers la mer. Là, il s’assit doucement sur le sable encore tiède. Seul le doux et paisible spectacle de la Nature semblait à ce moment capable de lui apporter le réconfort dont il avait besoin.

Le gars avait été découvert dans une auberge glauque de Dana’s Valley, le corps criblé de flèches. La porte et la fenêtre de la piaule étaient encore intactes et fermées de l’intérieur. Aucune autre sortie n’existait et personne ne comprenait comment le bougre qu’avait fait ça avait bien pu s’y prendre… Et c’est pour ça qu’on a fait appel à moi. Pour faire un peu de lumière sur toute cette affaire. Une bien sale affaire, ça, j’peux vous l’dire…

Mon nom c’est Sage. Chui ce qu’on appelle un privé. D’ordinaire, je mène une p’tite vie tranquille loin de ce genre d’attrape-couillon. J’loue un p’tit meublé pas chéros à un gras du bide, sur Kédok. Simple mais confortable, comme on dit. Un pieu, un dragon apprivoisé pour le réconfort, une bonne boutanche d’alcool de Blob frelaté, deux-trois enquêtes pénardes et chui le roi du monde. Y’m faut pas grand’chose…

Mais tout ça, c’était avant que j’reçoive un pigeon de cette pépée de Baduk. Une elfe, blonde, roulée comme une déesse, le genre qu’a pas besoin de se faire prier trop longtemps pour recevoir de l’aide d’un type de ma catégorie…

Son amant (le mec de l’auberge, un gars plutôt louche qu’on disait aussi mouillé dans des affaires pas franchement nettes) venait donc de se faire dézinguer de façon pas banale et la p’tite m’appelait à la rescousse. Comme j’avais besoin d’un peu d’or à ce moment-là (j’ai un p’tit faible pour le jeu), j’ai pris le dragon de 8h24 et chui partit pour Baduk.

Baduk… De loin le coin le plus mal famé des Terres d’Argent. Ici, c’est marche ou crève, t’a pas le choix. Entre les clans qui font la lois dans les rues à coups de gué-guerre, les détrousseurs plus nombreux que des rats, les mendiants qui vous harcèlent, les saoulards qui vous traitent de tous les noms pour un oui ou pour un non et les magiciennes sur le retour qui vendent leurs charmes au plus offrant, le tableau est pas franchement joli à voir… On est loin du décor de parchemin postal, comme disait une fille de là-bas que j’ai bien connu…

Un mec cultivé vous dirait que tout ça recèle des accents de décadence. Moi, j’dirai juste que c’est la zone, le trou, le bled. Un vrai coin de tordus, quoi.

Bref, la pépée m’avait donné rencard dans une rue déserte à pas d’heure. Pour tout vous avouer, j’avais un peu les jetons. Un peu beaucoup, même… Faut dire, il y faisait noir comme dans le c… enfin, j’veux dire, on y voyait goutte, quoi. Heureusement, j’avais pris ma bonne vieille arbalète P38 avec moi, cachée sous mon manteau en peau de mammouth. Et j’attendais là, la clope au bec, l’air détendu, histoire de m’la jouer un peu professionnel…

Tout d’un coup, j’ai entendu un bruit. Et là….

*BOUMF*

- Rhâââ, Wick, fais attention !
- Quoi ?
- Sa tête ! Tu vois bien qu’elle passe pas ! Tu l’as collé contre le montant de la porte !
- Ah ! Mince ! Faut dire, je peine moi ! Et puis j’y vois rien !

Isamu souleva la tête pendante de Sage pour l’examiner. Comme il n’aperçu aucune blessure, il la laissa reposer sur le dos de Lord Warwick.

- C’est bon, il a rien. Recommence mais fait gaffe cette fois…

Lord Warwick avança doucement pendant qu’Isamu l’aidait à faire passer le paquet inerte qu’il portait sur son dos par la porte. Une fois rentré dans l’auberge, Lord déposa précipitamment Sage sur la première banquette venue, visiblement soulagé de se débarrasser de ce poids.

*FROUCH*

- Whaaaa… Il est lourd le bougre ! 20 minutes que je le porte !
- Et alors ? Normal ! Qui l’a mis dans cet état, hein ? Qui lui a resservi 11 fois de la bière naine ? « Tu verras, c’est moins fort que du p’tit lait ! »…
- Oohhh, dit Lord Warwick, fallait bien qu’on fête dignement son arrivée dans le clan, quand même… Si on peut plus s’amuser…

Un bruit de pas rapide se fit entendre derrière eux. C’était la jeune Inochi qui accourait, essoufflée et en sueur. Elle tenait le sabre de Sage.

- C’est bon, j’ai réglé ça avec le tenancier, il ne nous en tiendra pas rigueur… Enfin, normalement… Comment il va ?

Les trois membres du clan de l’Ordre se tournèrent dans un même mouvement vers Sage, toujours affalé dans la banquette, la tête penchée sur le côté. Il baragouinait des choses incompréhensibles tout en remuant les membres par à-coups.

- On dirait qu’il est en train de rêver, dit Isamu.
- Il en tient une bonne, ajouta Lord Warwick. Je vous raconte pas le gueule de bois…
- Ouais… Bah ça sera pas grand chose à côté du savon que je vais lui passer au réveil ! Il est pas prêt d’oublier sa soirée celui-là, croyez moi ! conclut Inochi, les poings sur les hanches. Sur ce, moi je vais me coucher ! Bonne nuit !

Tout en baillant à s’en décrocher la machoire, Inochi quitta la petite pièce. Isamu et Lord Warwick ne tardèrent pas à imiter leur jeune alliée, laissant Sage seul avec ses rêves alcoolisés… Un difficile réveil l’attendait…

Le ciel était bas et gris ce matin-là sur Babuk ; l’air froid et humide ; la lumière pâle et diffuse. Ne semblant guère s’inquiéter du soleil à peine levé, l’épais brouillard tombé avec la nuit dominait tout l’horizon, comme suspendu à d’invisibles fils. Cà et là, l’immense nappe brumeuse s’accrochait à la végétation luisante de la forêt, se déchirant en larges lambeaux humides avant de se reconstituer un peu plus loin, intacte.

Deux hommes se tenaient dans la petite clairière, séparée de la route par un épais rideau d’arbres et de buissons. Ils avaient laissé leurs chevaux de patrouille un peu plus loin avant de se frayer un chemin au travers de la végétation humide, conformément aux informations laissées par le vieil homme.

Celui-ci s’était présenté aux petites heures de l’aube, au poste de garde de Siler’s Town. Là, il avait expliqué au soldat de garde ce qu’il avait découvert quelques minutes plus tôt alors qu’il ramassait un peu de bois de chauffage. Conformément aux instructions, le garde s’était alors immédiatement rendu sur les lieux, non sans avoir au préalable consigné par écrit le témoignage du vieux paysan afin de prévenir ses supérieurs.

Ceux-ci (un jeune sergent-enquêteur et son assistant) étaient arrivés moins d’une heure plus tard pour relever le garde de son poste. Avant de le libérer, ils lui posèrent néanmoins les questions d’usage :

- Tu n’as pas touché au corps, dis-moi ?
- Non, Messire. J’ai établis un périmètre de discrétion afin d’éloigner les éventuels passants mais personne n’est passé. Et c’est tout.
- Très bien, soldat... Tu peux partir.

Demeurés seuls dans la forêt, les deux hommes se mirent aussitôt au travail.

La répartition des rôles était toujours la même : le sergent-enquêteur commençait par dessiner la scène du crime au crayon gras, cherchant à rendre le maximum de détails sur le parchemin. Ensuite, il s’attachait à examiner le corps, laissant à son jeune assistant le soin de rechercher d’éventuels indices matériels.

Tout en observant de plus près une trace de pas laissée dans la terre noire et humide, ce dernier s’adressa à son supérieur :

- Qu’en pensez-vous, sergent ?
- Les similitudes sont troublantes. Une jeune femme retrouvée morte, dépouillée de son or, une bouteille de lait et un morceau de pain posés à ces côtés… Cela possède, à mon avis, un fort goût de déjà-vu…
- Ce qui selon vous signifie ?...
- Que celui qui a fait ça n’en est pas à son coup d’essai… Et si tu veux réellement connaître le fond de ma pensée, Hartrings, et bien… Sache que je suis quasiment sûr que nous avons à faire à un sérial-pékufieur…

Hartrings se raidit.

- Un quoi ?...
- Un …
- …Serial-pékufieur, c’est on ne peut plus exact !

Une voix s’était élevée derrière eux. Surpris, les deux hommes effectuèrent un rapide volte-face tout en tirant leur épées au clair pour découvrir un homme qu’ils ne connaissaient pas s’approcher d’eux en souriant. Lorsqu’ils aperçurent l’écusson qui ornait sa poitrine, ils abaissèrent leurs armes.

- Agent Sage Sam, dit l’homme tout en montrant l’écusson du pouce, Fondation Babuk Investigations. Sergent, je vous relève de cette enquête, ordre du Commandeur.

L’homme était droit, fier. Un véritable professionnel auquel il était impossible de ne pas obéir. Le sergent-enquêteur et son assistant trouvèrent néanmoins la force de protester.

- Mais… Je ne comprends pas… Et pour quelles raisons nous retire-t-on cette enquête ?

L’agent Sam sourit, tout en allumant une longue pipe en ivoire de mammouth. L’allumette émit un léger *pshiit* lorsqu’elle heurta le sol mouillé.

- Nous avons de fortes raisons de penser que celui qui a fait ça a aussi agit à Boudok et à Dusso. De fait, l’enquête ne dépend plus de votre juridiction…

L’agent Sage tira une longue bouffée d’herbe à pipe avant d’expulser la fumée vers le ciel.

- Son mode opératoire est toujours le même. Notre ami commence par placer une petite annonce de rencontre, soit directement par lettre adressée à sa victime, soit en passant par le forum…

- Le quoi ? questionna le sergent.

- Le forum. Il existe, à la sortie de la ville, une immense formation rocheuse parfaitement lisse et rectiligne. Les habitants des Terres d’Argent y accrochent des parchemins portant divers messages, ce qui permet à ceux qui passent par là de lire ces messages et, parfois, d’y répondre en écrivant à la suite. Ceux qui utilisent ce procédé de communication ont pris l’habitude de l’appeler « Forum »…

- Ah… Je l’ignorai…

- Donc, repris l’agent Sam, notre oiseau commence généralement par placer une annonce dans ce forum dans le but de rencontrer une femme. Voici par exemple le tout premier message qu’il a laissé, il y a deux semaines de cela…

L’agent Sam tendit un document au sergent. C’était un parchemin usé et noirci, couvert d’une écriture en pattes de mouche. Le texte disait : « Salu ! Je cherch 1 fêm lol Esske quelqu'un veu se marié ave moi ? répondé @ + ! signé : Kraou le warrior ».

Le sergent esquissa une grimace.

- Est-ce là une sorte de… code secret ?...

- Non, pas réellement. En fait, il s’agit là d’un dialecte, très en vogue parmi les nouveaux arrivants. En recourant à cet artifice, notre tueur choisi ses victimes : il les veux jeunes et inexpérimentées… C’est un pro, rien à redire…

- Et ensuite ? s’enquit Hartrings, demeuré silencieux jusqu’à ce point.

- Ensuite ? Et bien, notre homme donne rendez-vous aux jeunes femmes qui répondent à cette annonce, puis ils les tue et les dépouille de leur or. C’est aussi simple que ça. Mais diablement eficace… D’ailleurs (l’agent Sam désigna le cadavre recroquevillé à ses pieds), ce tordu a rajouté une quatrième victime à son tableau de chasse… Nous devons le stopper avant qu’il ne…
Tout d’un coup, un gigantesque éclair de lumière déchira le ciel. Par réflexe, l’agent Sam se couvrit les yeux à l’aide de son avant-bras mais la lumière semblait comme pénétrer dans son crâne. Il hurla.

- MAIS QUE SE PASSE-T-IL ? Mais que sepasse-t-il mais que se…



« DEBOUT LA-DEDANS ! »

Ayant tiré les rideaux de la chambre où Sage Sam avait passé la nuit, Inochi jeta sans ménagement le barda de celui-ci sur le lit.

« Allez feignasse ! Réveille-toi ! On a du pain sur la planche ! »

Ceci fait, elle sortit de la petite chambre d’auberge en claquant la porte de bois, laissant Sage lentement émerger de son sommeil… Le réveil était pour le moins difficile…

Trop engourdi pour réellement réagir, Sage se mit lentement en position assise, le regard dans le vide.

*Je fais vraiment de drôle de rêves moi en ce moment…* se dit-il tout en frottant gauchement ses yeux ensommeillés… *Saleté de bière naine...*

-> Écrit par Sage Sam
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